Oiseau

Il portait un queue-de-lui noir
et d’un œil estimait.

(Il n’est ni pie, ni pape, juste l’oiseau, martinet noir, ou corbeau, peut-être l’hirondelle dans ta main.)

L’oiseau
du bout de son aile
à l’encre bleue sur un mur blanc
traçait à longues lignes
en courbes
en symboles
tout ce que son babil portait de paysage et de géographie
la porte des longues routes
et la tentation de s’y laisser

Comme à la vitre ouverte du train
s’assène la structure

son cliquetis
sa membrure

son pas multiplié

des ombres de collines

la ligne des buissons

îles de lac aux arbres nains

une rue claire à fils
arbres
à murs de pierre
les joints usés

l’église
clocher de parade surplombant
le nid

L’amour multiplié
d’une fenêtre ouverte
grand
sur une cour
un jardin
une table laquée
(vert
métal
myriapode rouillé)
un bouquet offert éclatant
et cette lumière filtrée
sertie de milliers d’ailes
malgré le mur.

Une vigne vierge pour élan

Plan vertical

L’aile ne pousse pas

mais aspire !

Sittelle
ne glisse pas
trottine
du bout des doigts
Bois ombilic de ton visage dans la trouée

Sur la brindille
c’est surveiller
tout le temps
sans relâche
et, curieux,
observer la présence superflue.

L’oiseau
l’insecte
et la fleur
vivant un règne similaire

susceptible de remontées

à ton œil souriant
j’éclos
vole
et fleuris

Tropique à bout de vol
falaise amicale
De chaque interstice jaillit
une note habitable

(c’est un peu
se regarder
dans les yeux)

Étonné
parfois
d’avoir du ciel
plus large que la vue

Lissé le frac
dans l’éteint
du bout du bec
il peint
la traîne de son vol sous la cornée

Enrubanné d’éclairs
il dit à l’orage :
Je suis encore là.

Rythme de cœur à coup d’œil
Son temps n’est pas le tien
Ton pas
monstre de lenteur
l’inquiète sur la durée
Le jeûne d’une nuit l’affame
et sa fleur
dure plus longtemps

Ses yeux chanteurs tendent au paysage
de toutes ces couleurs
et celles que tu ne vois pas
Lumière neuve aux ramures de ses doigts

Suivre la courbe

et voir le ciel s’en arranger

Quel est le rêve
le temps d’un plané ?

Passereau fugitif
Œil magnétique
et sautillant

Migrant des nuits noires
d’herbe en arbre
buissons et brindilles
De fines bulles
boussoles affolées
figent son vol
son élan

Duvet ébouriffé
Patte
Moignon
Des ailes sèches volent au sol
sans tête
sans queue ni ciel
Sans
sans
Corps

autre que ciment

Une veine traîne
en courbe d’ascendance

Lumière de plume
des ailes peignent en dormant
en attente d’oiseau

Grisaille

Seule une aile
dépasse des nuages
au sifflement des rémiges
l’esprit courbé

Poète
Stylite ailé au vol parcellaire
Oiseau d’imparfait

Pleine nuit
Vé d’oies enlevé
frôle les toits
passe la cour
en un instant
Salut !
en un instant
Parées d’or d’en dessous

Nous sommes de peuples similaires
faux pacifiques et saisonniers

Comme la main
écarte le rideau
Dans le plan
la surface
Son aile fomente
crée de la place
L’agrandissement

Enfin l’espace est un volume
au delà de l’idée

Vapeur tournante
lacs erronés

Ciel à son œil

À l’ouverture
eau magnifiée

L’aile large sur la nuée
il est le beau temps
son accoutumé

Ligne lisse
vite liesse
soumis aux vents
soumis au temps
libre d’être
feuille
ou
plan

Il est
pour un jour
un battement d’ailes fugace
juste aperçu

signe d’être sur nos traces
au-dessus de nous
effacés

Fin voilier
il prévoit

Sa ligne
surprend

ne heurte pas

C’est ce qui plaît à l’homme

Il arrive
par les grands froids
qu’aucun oiseau ne passe

Rien alors ne rend l’espace habitable
L’oeil se renferme
tout plus petit

À grande lampée
Boire
la lumière offerte
son goût
d’espéré
et l’enfance ressortie

Parfois
le soleil sur soi
on croirait que les mésanges
dans le buisson d’en face
jouent à cache-cache

On ne comprend pas
le roman qu’elles racontent

Il voit
le ténu
la miette
l’insecte que tu ne vois pas
et s’en nourrit

Le plus petit
lui permet la hauteur

Bleu magnétique
Incartade du bond

Trace
Le vide fait rail lisse
ou construction

Il bâtit l’espace
à sa dimension

Il donne à la lumière
le fuseau
son contraste
et la couleur parfois

Libre d’aller
il revient
Toujours à la même place

Deux fois
le tour de l’astre
et se poser enfin

Dans l’antre calme
herbes
brindilles
Ses ailes ouvertes
veillent à l’envi

Lucane
Lucarne

Aire d’air
et de repos

Une poule sur un mur
appareil aux joints droits
voûtes en coulures
les yeux cerclés
En dessous
en dessous
regarde

Sa fresque est vaste
ciel de Twombly

Pourtant
il délaisse
son cercle infini

Il dit
son chant inaudible
à nos murs de bruit

L’oiseau
symbole revu
recuit
multiplié
ne cesse pourtant pas
de peindre

Sait-il
l’espace qu’il suscite
posé
?

Ou quand son vol
empreinte d’aile
marque le sol

ombre hirondelle

Fulgurant profil qu’il imprime
se promenant

Sa langue happe-t-elle aussi
l’arôme
la senteur
le bois
la ville
Champ de fleurs
toutes les lagunes
le pain chaud
l’herbe folle
Même si haut ?

Il peint à tire-d’aile
le volume sans fin
la lumière
autoportrait

Des fois
encore
et à plein bec
il éviscère un rat crevé

L’horrible aussi
nourrit le vol

Il a parfois
comme toi
posé à l’angle des murs
l’air de meubler le temps
à compter les nuages
les gouttes
les secondes

chaque barbe de ses plumes
peignes à note
musique d’air

Tu sais ce que c’est

avoir le ciel au-dessus de soi

Mais en dessous ?

Parfois encarcané
dans le fourmillement
Le seul acte visible
subsistant
consiste en un vol

ou traversée d’aplat

bleu et droit

l’espace soulevé

Visage au ciel
Sourire ouvrant

Et si
au lieu de l’envol
l’oiseau fermait sa route d’empreintes
d’un point

Traces d’ailes
gravées au ciel
avant la marée

2014-2015
Étienne Chavarot